Le changement de modèle économique dans la vente à distance est considéré comme un motif légitime de rupture de relations commerciales établies. Pour bénéficier d’une protection supplémentaire, le prestataire peut négocier une clause d’exclusivité ou un engagement minimal sur le niveau des commandes.
Affaire La Redoute
Dans le litige opposant La Redoute à son photographe de catalogue, la juridiction a considéré que le changement radical dans les prestations commandées (diminution majeure des commandes), n’avait pas procédé d’une stratégie volontaire de La Redoute. Cette baisse des commandes n’était ni imprévisible, ni soudaine, ni violente en raison du changement de modèle économique dans la vente à distance. Ce changement constitue une rupture non fautive de la relation commerciale établie, au terme de laquelle le donneur d’ordres a recouvré sa liberté à l’égard du prestataire, qui ne bénéficiait d’aucune clause d’exclusivité ni d’aucun engagement sur le niveau des commandes.
La Redoute était en droit de quitter un modèle économique obsolète de vente à distance. Entrée dans une crise grave de nature à entraîner la disparition de l’entreprise fondée sur un coûteux catalogue imprimé, pouvait se tourner vers un autre modèle de vente à distance fondé sur l’internet. La Redoute a pu ainsi, sans commettre le délit de rupture brutale de relation commerciale établie : i) réduire le montant des commandes auprès du prestataire, puisque ce donneur d’ordres connaissait lui-même une forte diminution de ses ventes, ii) remettre en question la totalité des prestations les plus coûteuses attachées au catalogue imprimé, lesquelles constituaient la totalité du chiffre d’affaires généré par la relation commerciale litigieuse.
Peu importe à cet égard que, d’une manière générale, le nouveau modèle économique a continué de requérir l’usage de photographies, en plus ou moins grande quantité, dès lors qu’il s’est agi de prestations distinctes et de bien moindre coût. Ne peut donc davantage être imputée à la faute du donneur d’ordre la circonstance que, à cause de ce changement de modèle économique, les prestations de moindre ambition réservées à l’internet qui, désormais, étaient les seules utiles à La Redoute, ont fait de sa part l’objet de la recherche de solutions alternatives, peu important que ce soit en sollicitant une offre de services à moindre coût ou en internalisant la prestation en cause.
Contrat de commande de photographies
Le photographe qui travaillait depuis plusieurs années, sans qu’un contrat écrit n’ait été établi, pour La Redoute (La Redoute), avait été sélectionné aux termes d’un accord de partenariat renouvelable automatiquement par périodes successives de 12 mois sauf dénonciation par l’une des parties. Le photographe s’est plaint sans succès, d’une rupture partielle de la relation commerciale établie, avec une baisse de chiffre d’affaires de 36% et d’une rupture totale par la suite.
Appréciation du changement de modèle économique
Il était établi par les extraits des comptes de La Redoute que celle-ci a connu un résultat d’exploitation annuel très fortement déficitaire de 2008 à 2013 atteignant, pour cette dernière année, une perte d’exploitation de l’ordre de 85 millions d’euros. Sur la même période, l’effectif moyen de l’entreprise est passé de 5 153 salariés à 2 612 salariés. Significativement, le chiffre d’affaires annuel de La Redoute, de 1 172 187 600 euros en 2010 est passé à 1 135 539 000 euros en 2011, et à 1 025 531 400 euros en 2012.
Cette situation s’expliquait par la crise du modèle économique qui avait fait le succès de l’entreprise, celui de la vente par correspondance au moyen d’un catalogue papier, vecteur de la notoriété de l’enseigne et support traditionnel des commandes des consommateurs.
Dans le modèle ainsi remis en question, le catalogue faisait l’objet d’investissements coûteux, notamment en photographies soignées pour la présentation des articles, incluant un nombre significatif des clichés à forte valeur ajoutée, avec mise en situation élaborée des marchandises.
L’information préalable du prestataire : une sécurité
A noter que la société La Redoute avait pris soin d’alerter son prestataire par la lettre suivante « Nous vous indiquons dès à présent que le niveau de commandes de photos pour les catalogues que nous avions avec vous est susceptible d’être réduit à partir de janvier 2014… il nous paraissait aujourd’hui important de vous assurer un délai de prévenance optimale afin de vous permettre de lancer une démarche de recherche d’autres clients ».
Par ailleurs, sollicité à plusieurs reprises, le prestataire avait refusé d’aligner ses tarifs et de changer le style de ses photographies. Ce dernier avait effectué une offre de prestation à un niveau de prix peu compétitif, en réponse aux besoins nouveaux et impérieux de La Redoute pour après 2015, marqués par la décision de s’adapter aux nouvelles conditions de la vente à distance. Télécharger la décision
Points juridiques et Modèles de contrats associés:
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- Rupture abusive de relations commerciales : la durée compte Une relation commerciale résultant de deux contrats à durée déterminée d’un an sans clause de prorogation tacite, est une relation nécessairement précaire qui exclut la rupture abusive de relation commerciale. Cette relation ne permet pas au partenaire contractuel d’avoir une croyance légitime dans sa pérennité.
- Thierry Ardisson c/ C8 : rupture brutale de relations… La société de production de Thierry Ardisson et son sous sous-traitant ont obtenu près d’un million d’euros au titre d’une rupture abusive de relations commerciales par la société C8 (déprogrammation de l’émission « Salut les terriens »).
- CPI : rupture abusive de relations commerciales inapplicable Les relations d’affaires entre les CPI et leurs Avocat ne sont pas des relations commerciales, en conséquence, toutes les dispositions du Code de commerce concernant les commerçants, ne leur sont pas applicables y compris la rupture brutale de relations commerciales établies.
- Sourcing : calcul du préavis de rupture de relations… Attention à bien calculer le préavis de rupture d’une relation commerciale établie. La société Carrefour Marchandises Internationales (CMI) a été condamnée pour rupture brutale de relation commerciale vis-à-vis de l’un de ses fournisseurs spécialisé dans le « sourcing » pour le textile (28 ans de relation commerciale établie). La juridiction a estimé à 20 mois le préavis qui aurait dû être respecté.
- Factures impayées : la rupture brutale de relations… Rompre une relation d’affaires pour non-paiement de factures relève de l’exception d’inexécution qui exclut la rupture brutale de relations commerciales.
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- BFM échappe à la rupture abusive de relations commerciales Suite à la non-reconduction de son émission de radio, qui n’avait pas atteint les objectifs commerciaux escomptés, un prestataire de BFM a poursuivi cette dernière en rupture abusive de relations commerciales.
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